Justice populaire

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Depuis quelque temps, l’Etat malgache assiste impuissant a un regain de violence se manifestant par des incendies non expliqués et plus encore par la multiplication des cas de justice populaire. Occupés aux préparatifs du sommet de la francophonie qui se tiendra sous peu, les dirigeants ne se rendent pas compte que le feu est déjà aux portes et que l’explosion n’est pas loin.

La Grande Ile est actuellement le théâtre d’une montée en flèche du nombre de cas de vindicte populaire. Partout sur le territoire, la moindre étincelle peut très vite donner lieu à un feu que l’on ne peut maitriser et qui finit inévitablement en un bain de sang. La population en colère, est de moins en moins disposée à attendre que l’Etat rende justice. Les gens préfèrent faire justice eux-mêmes pour ne pas être déçus par un système gangrené par la corruption, et dans lequel ils ont définitivement perdu confiance.  L’Etat, lui, est trop occupé ailleurs pour voir cette manifestation de la défiance que la population affiche. Pour le Premier ministre Mahafaly Solonandrasana en effet, tout ceci est le fruit d’une manipulation politique. Il refuse tout simplement d’envisager, ne serait ce qu’un instant, que cette cascade de violence est peut être l’appel au secours d’une population dans le désarroi le plus total, et au bord de l’explosion.

Force est pourtant de constater que l’explosion ne semble plus très loin. En témoignent les événements qui ont eu lieu à l’Hôtel de ville d’Analakely cette semaine. Un peloton armé qui envahit le lieu de travail des policiers municipaux pour crier vengeance après que ces derniers aient tabassé l’un des leurs. Voila l’exemple au sommet de la méfiance que chacun nourrit envers nos institutions. Que reste t-il à dire lorsque ceux qui sont censés faire régner la loi sont les premiers à la fouler aux pieds, et à le montrer publiquement? L’exemple vient d’en haut, ils ont donné le ton, alors faut il s’étonner si la situation empire dans les prochains jours? Faut-il attendre que le feu   ravage complètement le pays avant de prendre les mesures qui s’imposent?

Ce qui se passe actuellement a Madagascar n’est ni plus ni moins que la conséquence d’une frustration longtemps contenue, et qu’on ne peut plus taire. La pauvreté dans laquelle la masse s’enlise un peu plus chaque jour, l’insécurité, la corruption, tout ceci constitue un mélange explosif qui ne tardera pas à se déverser si on continue à faire la politique de l’autruche. La situation à Madagascar actuellement n’a rien de différent de ce qui s’est passe au Brésil, une situation  qui a débouché sur des élections anticipées et a marqué la fin du règne de la présidente en exercice que la population a désavouée à grand coups d’émeutes, et de manifestations de rue. Si le droit d’aller au vote avant l’heure a été accordé aux brésiliens, pourquoi la population malgache n’aurait elle pas droit aux mêmes égards? Quoi qu’il en soit, un parti politique, le Malagasy Miara Miainga, s’est déjà positionné en tant qu’opposition et effectue toutes les démarches dans ce sens. L’on verra si les dirigeants faciliteront cette démarche ou, au contraire, lui mettra des bâtons dans les roues. Si l’idée est toujours de résoudre le problème dans des cadres démocratiques, l’organisation des ces élections anticipées et la seule issue possible au lieu de contraindre une population déjà frustrée, à boire le vin de la misère jusqu’a la lie.