A chacun sa justice

0

L’Etat de droit n’est qu’un vain mot à Madagascar. A chacun sa justice. Seule une réforme en profondeur peut remédier sur le long terme à cette situation désastreuse et dangereuse tant pour le présent que pour l’avenir. Un président indépendant et élu démocratiquement pourrait initier le changement tant attendu.

La justice à Madagascar n’est plus à deux vitesses mais à plusieurs vitesses. A chacun sa justice. La population, elle, ne connait que la justice populaire, violente et expéditive. Les forces de l’ordre font de plus en plus usage de la force, de la répression et de l’intimidation. Certains magistrats semblent assimiler l’expression « juger en âme et conscience » à la corruption et aux abus d’autorité. Les détenteurs de l’autorité publique semblent considérer le pouvoir  au dessus de la loi et de la justice. Mais au final, ce sont les simples citoyens qui trinquent. Las du marasme économique et de la situation politique délétère, ils subissent de plein fouet les soubresauts de la vie du pays.

Le plus étonnant dans cette justice à plusieurs vitesses est la justice policière. Chaque fois qu’un élément des forces de l’ordre subit la justice populaire, la réponse est disproportionnée. Arrestations arbitraires, des villages mis à feu et à sang, abus de pouvoir alors qu’aucune enquête n’est ouverte sur ces infractions. Ce fut le cas vers la fin de l’année dernière à Mananjary. Après qu’un membre des forces de l’ordre ait subi la colère de la population, la commune a été mise à feu, le maire mis en état d’arrestation. Est-ce là, une méthode apprise dans les écoles que lorsqu’un frère d’arme  tombe à cause  d’un simple citoyen, l’épée de la justice policière doit frapper coûte que coûte, tout en ayant l’assurance que l’impunité est acquise, la protection assurée en haut lieu.

Médias, organisations de la société civile et partis politiques ne cessent de crier haut et fort que le manque de confiance réciproque est à l’origine de cette justice à plusieurs vitesses qui écorne l’image du pays. Les citoyens n’ont pas confiance aux forces de l’ordre. Les forces de l’ordre n’ont pas confiance aux officiers supérieurs de police judiciaire. La  population n’a pas confiance aux détenteurs de l’autorité publique, ainsi de suite. Mais aucune mesure n’est prise et appliquée pour remédier à cette situation qui empire chaque jour davantage. La transparence n’est pas de mise, les dirigeants inefficaces ne sont pas remplacés, aucun audit n’a lieu dans les domaines qui touchent la vie de la population.

Force est de constater que les dirigeants qui ne se sont pas préparés à diriger le pays, sont dépassés par les évènements. Trop occupés à préparer le terrain de la prochaine présidentielle, ils perdent de vue le présent et l’essentiel pour la population  et sont loin de réaliser les attentes des électeurs. Seule l’élection d’un nouveau Président indépendant, ayant le sens de la notion d’Etat et élu démocratiquement peut retourner la situation.